Claire Rouyer
Avocate spécialisée en droit du travail | Associée
au sein du cabinet Capstan Avocats
Chaque mois, retrouvez l’interview retranscrite d’un·e de nos expert·es RH.
Pour cet épisode, c’est Claire Rouyer, Avocate en Droit du travail au sein de Capstan Avocats, qui nous éclaire sur les principales évolutions jurisprudentielles de 2024 et leur impact direct sur les entreprises.
En tant qu’experte, Claire intervient sur trois axes principaux :
- Le conseil : elle accompagne les entreprises au quotidien dans la gestion de leurs obligations en matière de droit du travail et de relations de travail.
- Le contentieux : elle assure la défense des entreprises devant les tribunaux.
- La formation : elle anime des formations pour aider les entreprises à développer leurs compétences en droit du travail et en gestion des relations de travail.
Grâce à son expertise, elle apporte un éclairage pertinent sur les enjeux en matière de droit du travail et permet aux entreprises de mieux appréhender les évolutions jurisprudentielles et légales. Elle collabore régulièrement avec RH Partners, combinant ses compétences juridiques à celles des consultants en ressources humaines pour offrir un accompagnement complet aux entreprises.
La jurisprudence et le droit ne doivent pas être perçus comme une contrainte, mais comme un outil d’organisation et d’adaptation au service de l’entreprise.
Interviewer : Quels sont les principaux changements en matière de jurisprudence en 2024 qui impactent directement les entreprises ?
Claire Rouyer :
En 2024, il y a un changement important concernant le droit de la preuve au travail. Traditionnellement, certaines preuves étaient irrecevables devant les tribunaux, mais la jurisprudence a évolué. Désormais, des preuves considérées comme « déloyales », comme un enregistrement réalisé à l’insu d’un employeur ou d’un salarié, peuvent être acceptées par les tribunaux. L’objectif est de rééquilibrer les forces entre les employeurs et les salariés. Il est important de noter que les juges n’acceptent ces preuves que s’il n’y avait pas d’autre moyen de prouver la situation. Cette évolution ne concerne que le droit du travail.
Les enregistrements discrets peuvent donc être utilisés comme preuve devant les tribunaux, mais seulement s’il n’y a pas d’autre solution pour prouver un fait.
Interviewer : Les évolutions jurisprudentielles de 2024 ont-elles apporté des clarifications sur les questions de harcèlement ou de discrimination au travail ?
Claire Rouyer :
Oui, en matière de harcèlement, deux décisions de justice importantes ont précisé le rôle des enquêtes internes.
La première décision, datée du 2 mai 2024, indique que si un employeur mène une enquête interne sérieuse suite à une plainte de harcèlement, cela peut prouver qu’il respecte son obligation de sécurité et de prévention en la matière.
Cependant, la deuxième décision, du 12 juin 2024, rappelle que l’enquête interne n’est pas toujours obligatoire. Un employeur peut choisir d’autres moyens pour respecter ses obligations en matière de prévention du harcèlement.
En résumé, l’enquête interne est un moyen pour l’employeur de prouver son respect des obligations en matière de harcèlement, mais ce n’est pas la seule option.
Interviewer : Quels sont les risques pour une entreprise qui ne se tient pas informée des évolutions jurisprudentielles ?
Claire Rouyer :
Ne pas suivre les évolutions jurisprudentielles peut rendre les pratiques d’une entreprise fragiles. Par exemple, les règles concernant le temps de trajet des salariés itinérants ont changé. Si une entreprise n’en tient pas compte, elle risque des demandes de rappels de salaire. De même, ne pas appliquer les augmentations du SMIC peut rendre toute une grille salariale obsolète.
Ignorer les changements jurisprudentiels peut entraîner des problèmes financiers (rappels de salaire par exemple) et des litiges.
Interviewer : Quel est l’intérêt pour une entreprise de se tenir informée des évolutions jurisprudentielles ?
Claire Rouyer :
Être informé permet à une entreprise de gagner en compétitivité et d’optimiser sa gestion sociale et sa gestion des RH. La jurisprudence et le droit ne doivent pas être perçus comme une contrainte, mais comme un outil d’organisation et d’adaptation au service de l’entreprise. En suivant ces évolutions, les entreprises peuvent ajuster leur fonctionnement, devenir plus attractives pour les salariés et créer un environnement de travail plus serein.
En d’autres termes, la veille juridique permet non seulement de respecter la loi, mais aussi d’améliorer la compétitivité et le bien-être au travail.
Interviewer : Comment les entreprises peuvent-elles utiliser la jurisprudence comme un levier d’optimisation plutôt que comme une contrainte ?
Claire Rouyer :
Les entreprises peuvent utiliser la jurisprudence pour faire évoluer leur organisation, devenir plus compétitives, fidéliser les équipes et réduire le turnover. Il faut analyser chaque décision de justice et voir comment elle peut s’appliquer au contexte de chaque entreprise. Le droit offre un cadre général, mais l’entreprise peut l’adapter à ses besoins spécifiques.
La jurisprudence n’est pas seulement une contrainte, mais un outil pour améliorer l’organisation, la compétitivité et le bien-être des employés.
Interviewer : Quelles sont les évolutions légales majeures de 2024 ?
Claire Rouyer :
La principale évolution légale de 2024 est la loi qui encadre l’acquisition des congés payés pendant les arrêts maladie. Cette loi fait suite à une décision de septembre 2023 et à une nécessité de s’aligner avec le droit de l’Union Européenne.
Désormais, un salarié en arrêt maladie, quel que soit le type d’arrêt, continue d’acquérir des congés payés à raison de 2 jours par mois.
De plus, les congés non pris en raison de l’arrêt maladie peuvent être reportés. Cette loi a un effet rétroactif, ce qui signifie que les salariés, même ceux qui ont quitté l’entreprise, peuvent réclamer leurs droits.
En résumé, les salariés en arrêt maladie acquièrent des congés payés et peuvent les reporter si l’arrêt les empêche de les prendre et sont en droit de le faire même après avoir quitté l’entreprise.
Interviewer : Comment les entreprises doivent-elles gérer la rétroactivité de la loi sur l’acquisition des congés payés pendant les arrêts maladie ?
Claire Rouyer :
La loi peut avoir un effet rétroactif jusqu’en 2009. Cependant, il existe des règles de prescription : les salariés ayant quitté l’entreprise ont 3 ans pour réclamer leurs droits, tandis que ceux toujours en poste ont 2 ans à compter de la publication de la loi. Il est conseillé aux entreprises d’anticiper des demandes de régularisation et d’attendre que les salariés se manifestent. Le report des congés n’est pas infini.
Les entreprises doivent donc se préparer à des demandes de congés payés rétroactifs, en tenant compte des délais de prescription.
Conclusion : Les évolutions jurisprudentielles et légales de 2024 sont importantes pour les entreprises. Il est crucial pour les professionnels RH de se tenir informés afin de non seulement respecter la loi, mais aussi d’améliorer la compétitivité et le bien-être des employés.
Interviewer : Un dernier mot pour conclure cette interview ?
Claire Rouyer :
Oui, je pense qu’il est essentiel de souligner l’avantage pour les entreprises de recourir à des cabinets comme RH Partners, qui collaborent avec des experts juridiques. L’association des compétences d’un consultant RH et d’un avocat spécialisé en droit du travail représente une réelle valeur ajoutée.
Le consultant RH apporte une vision externe et une objectivité sur les situations rencontrées par l’entreprise tandis que l’expert juridique garantit une analyse pointue et une expertise sur les aspects légaux.
En travaillant ensemble, nous proposons un accompagnement complet et sur mesure, qui permet aux entreprises de faire face aux défis complexes du droit du travail, tout en optimisant leur gestion des ressources humaines. C’est une collaboration que j’ai le plaisir d’expérimenter aux côtés de RH Partners.